Le site de V1 du Val Ygot à Ardouval,
dans la
forêt d'Eawy
Ce site qui est situé dans le département de la Seine-Maritime fait partie de la première génération des rampes lourdes plus communément connues sous le nom de "ski-sites". Couvrant trois hectares, il a été admirablement restauré et est magnifiquement entretenu par l'Association de Sauvegarde du Site de V1 du Val Ygot à Ardouval (ASSVYA) présidée par Madame Françoise Dauzou. Bien que les constructions soient restées dans leur état suite aux bombardements dont l'ensemble du site a fait l'objet à partir de Noël 1943 (il était pratiquement achevé mais n'a jamais fonctionné), il permet néanmoins aux visiteurs de découvrir ce que fut l'aventure dramatique des V1. Le parcours bétonné jalonné de panneaux explicatifs en français, allemand et anglais comprend treize bâtiments en béton et une portion de rampe de lancement avec son V1. Un grand parking permet d'accueillir les véhicules. L'équipe de bénévoles de cette association particulièrement dynamique s’attelle sans cesse à entretenir, rénover, voire découvrir de nouveaux bâtiments, de nouvelles installations.
Pour débuter la visite des lieux, on peut apercevoir à sa gauche l'abri de réception des V1. C'est ici qu'étaient déchargés les V1 qui arrivaient par camions. La dalle qui est écroulée n'a pas été touchée par les bombardements mais on pense qu'il pourrait s'agir d'un sabotage occasionné par les prisonniers. Ceux-ci ne mettaient pas la dose prescrite de ciment dans le béton ou n'y introduisaient pas, ou peu, de ferraille. Ces actes de sabotage étaient relativement courant sur ce type de chantier.
En continuant quelques pas, à la croisée de deux chemins, on aperçoit une stèle d'une émouvante expression. Celle-ci est l'oeuvre du sculpteur J.-M. Depas de Bois-Guilbert. Cette stèle a été érigée en mémoire des victimes des armes secrètes de la seconde guerre mondiale.
On emprunte à présent le chemin à gauche de la stèle. Celui-ci mène sur l'atelier d'assemblage des bombes volantes. Ce dernier a servi un temps aux chasseurs lors de leurs battues dans la forêt. C'est dans ce bâtiment que les allemands procédaient au montage des différents éléments du V1 etc..., sauf les ailes. Une fois terminée la bombe était stockée dans les 3 bâtiments de stockage en forme de ski que l'on peut voir quelques mètres plus loin à gauche.
De ces bâtiments il ne reste plus grand chose aujourd'hui. Cependant, on distingue parfaitement la forme arrondie à l'entrée ce qui a valu à ces installations le nom de ski. Mais en fait, cet arrondi avait un rôle à jouer, particulièrement pour briser l'effet de souffle en cas d'explosion de bombe devant le bâtiment. Suite aux bombardements, ces constructions demeurèrent inachevées. Elles avaient une longueur de 80m sur 4,30m de large et pouvaient recevoir 10 V1 chacune.
Plus loin, et dernière étape avant le lancement du robot, on peut apercevoir le bâtiment amagnétique dont l'axe est rigoureusement parallèle à celui de la rampe. Les allemands l'appelaient le "Richthaus". C'était la cible de choix des aviateurs qui le baptisèrent "Square Building". C'est dans cette construction qu'étaient montées les ailes et réglés les V1 (pointage, réglage du compas magnétique, programmation du temps de vol) puis mise en place des détonateurs. Pour éviter de perturber ces instruments, ce bâtiment ne devait en aucun cas contenir de métaux ferreux. Mais parfois, des prisonniers n'hésitaient pas à introduire clandestinement des morceaux de ferraille dans le béton, au risque de leur vie. Ce bâtiment comprend un rez-de-chaussée et une cave. Dans cette dernière, un gros calorifère en terre cuite produit la chaleur nécessaire pour le chauffage de l'ensemble. Deux rails parallèles à l'axe de la rampe permettaient d'amener le V1 au point de réglage. Une bague métallique scellée dans le béton au centre d'un rail semi-circulaire permet de faire pivoter l'engin avec précision au cours des opérations de réglage du compas magnétique. Les matériaux en bois qui constituaient le toit furent enlevés après la guerre par les habitants démunis qui n'avaient que très peu de moyens pour vivre et se chauffer.
Réglage de la V1
1 - La v1 arrive sur un
chariot au centre de la plate-forme. Après montage des ailes, elle
est suspendue à un portique en bois. Elle est placée de telle sorte
que le repère situé sous son ventre soit en concordance avec le
repère central de la plate-forme. L'extrémité de la queue se trouve
alors juste au dessus de l'arc de cercle.
En face de ce bâtiment se trouve l'air de lancement des V1. A gauche le bunker de commande de tir et à ses côtés la rampe de lancement orientée à 337° vers LONDRES surmontée d'une bombe volante V1. Le V1 lui, est une reproduction qui vient d'Angleterre où il a été construit. Cette rampe n'est pas celle qui fut installée à cet endroit durant la guerre. Elle a été achetée par l'association qui, pour des raisons de coût, n'a pu cependant installer que 20m au lieu des 41 mètres de la rampe d'origine et n'a, par ailleurs, pu obtenir l'autorisation du propriétaire du terrain. A l'arrière de la rampe, on peut remarquer le piston d'entraînement qui est posé sur cette dernière. Il était engagé dans le tube de la rampe et ensuite propulsé par un canon à vapeur de lancement appelé "Dampferzeuger" verrouillé à l'arrière de la rampe.
Un peu en retrait, une pièce extrêmement rare, un V1 d'exercice appelé "Bumskopf". Celui-ci a été déterré voici quelques années par Monsieur Henri BOCQUET en bordure de la forêt de NAPPES à la LAIE-MADAME. Il servait à tester la catapulte qui devait éjecter l'engin à plus de 300 km/h. Ce V1 d'exercice a les mêmes dimensions et le même poids que la bombe volante. Il est rempli de béton.
En revenant de la rampe de lancement on prend à présent le chemin à gauche du bâtiment amagnétique et on passe devant les deux abris de stockage des détonateurs à gauche du chemin et dont on ne voit dépasser que les toits. Quelques pas plus loin, à gauche et un peu en retrait, l'habitation des officiers. Encore quelques pas et nous voici devant la station de pompage qui renferme deux citernes bétonnées. Le premier (plus grand) servait à stocker l'eau amené par conduite sur le site. Le second (plus petit) devait, après ajout d'un déminéralisant, être envoyé vers la rampe ou vers l'abri du Dampferzeuger pour les opérations de rinçage.
Comme tous les sites lourds de V1, celui du Val Ygot possédait une réserve d'eau qui alimentait l'ensemble de ce lieu par un système de canalisations. On peut découvrir cette réserve quelques mètres plus loin.
Devant nous se trouve à présent l'abri d'alimentation du site. C'est sous cette construction qu'étaient installées les pompes qui distribuaient l'eau sur l'ensemble du site qui servait également de stockage de carburant.
A droite est implanté le stockage des produits de tir (Stofflager). Ce bâtiment possède deux salles étanches, l'une servant à stocker le permanganate de calcium (Z - Stoff) T et le perhydrol (T Stoff - eau oxygénée à 400 volumes).
Cette photo montre à droite l'abri d'alimentation du site et à gauche l'abri du personnel.
Après le bombardement des rampes lourdes de V1, les allemands abandonnèrent ce projet et installèrent ensuite dix pistes légères au coeur de la forêt. Ces pistes, difficilement repérables par les avions furent rapidement mises en service. Une seule d'entre-elles ne fut cependant pas fonctionnelle. Et c'est ainsi que des dizaines de V1 furent tirés de la forêt d'Eawy sur Londres, dont certains simultanément, à partir des endroits suivants : |
MAUCOMBLE : Carrefour 118 |
ARDOUVAL : Le Chatelet |
LES GRANDES VENTES : route de la Loge |
LES GRANDES VENTES : le chemin Coursier |
LES GRANDES VENTES : la route Charlemagne |
LES GRANDES VENTES : le Fond des Six Frères |
LES GRANDES VENTES : la Mare du Four |
LES GRANDES VENTES : la Laie Madame |
MUCHEDENT : Pubel (non fonctionnelle) |
FREULLEVILLE : le Croc |
Ces rampes se révèleront très actives et très meurtrières.
C'est ainsi que pendant la période du 13 juin au 31 août 1944, à partir de l'ensemble des sites de V1 installés en France, 8564 V1 furent lancés sur Londres. 3564 bombes volantes atteindront Londres et son agglomération tuant 6184 anglais et blessant gravement 17981 personnes. 750.000 maisons seront détruites ou endommagées. Mais il faut tout de même noter que ces chiffres peuvent varier selon les sources (on parle également de plus de 10.000 bombes lancées et 2.500 tombées sur Londres. |
CHUCHOTEMENTS ... sur la mort de détenus ...
Selon des informations qui m'ont été rapportées, il semblerait que les lancements de V1 auraient entraîné, presque à chaque fois, la mort d'un détenu.
Explications :
Les allemands demandent des volontaires parmi les détenus, à qui ils font miroiter des avantages financiers. Ceux-ci ignorent évidement le triste sort qui leur est réservé ...
Le détenu en question se trouve à coté de la rampe entre les ailes avant et arrière de la V1. Lors de l'allumage d'un voyant, il doit débrancher une connexion. Il est revêtu d'une combinaison d'amiante pour se protéger des flammes de la tuyère. Lorsque le mélange de permanganate et de perhydrol arrive à une pression qui permet le cisaillement des boulons qui libèrent la V1, la température à 10 mètres autour de la rampe est de l'ordre de 300°. Par ailleurs, il y a toujours des fuites relativement importantes de fumées. Et en fait c'est cette température très élevée qui, en pénétrant sous la combinaison, entraîne la mort du détenu. On les entends crier de loin ... Un bassin rempli d'eau est disposé à quelques mètres pour leur permettre de s'y plonger et de se protéger ainsi de la chaleur, mais très peu y arrivent. De plus, il m'a également été rapporté que certains détenus ont été coupés en deux par le choc de l'aile arrière contre le détenu. Des agriculteurs ont trouvé un camion arrêté le long d'une route. En levant la bâche, ils ont vu une grande quantité de tenues rayées brûlées, mais aucune trace des corps qui n'ont, par ailleurs, jamais été retrouvés ... |
Renseignements :
ASSOCIATION
DE SAUVEGARDE DU SITE DE V1 page facebook : http://www.facebook.com/assvya/
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- Références tirées du
livre "l'Enfer des V1 en Seine Maritime"
de Norbert Dufour et
Christian Doré
- Merci à Messieurs Henri
BOCQUET et Raphaël RABAEY
page modifiée le 9 décembre 2016