"Il y a quelques jours, j'attaquais, en vue du port de Nieuport, deux bateaux utilisés comme navires de D.C.A.. Je grimpai jusqu'à environ 1.000 pieds et plongeai pour en attaquer un au canon et à la mitrailleuse. Je le mis en feu, mais je n'eus pas le temps de constater s'il coulait, car l'autre me toucha juste au moment où je sortais de mon piqué. Il apparaissait gros et confus devant moi, alors je ramenais le manche en arrière, et à cet instant précis je sentis un choc terrible dans mon avion. Un obus m'avait touché juste derrière le cockpit, coupant les commandes de profondeur et de direction et communiquant le feu à l'appareil. Heureusement, l'élan de la ressource me fit grimper jusqu'à 3.000 pieds. J'avais alors en face de moi 50 miles de traversée jusqu'en Angleterre, avec seulement, pour contrôler l'appareil, la manette des gaz et des ailerons. Je peux vous dire que ça n'était pas très agréable. J'éprouvais sur le moment le sentiment terrible de ma solitude, sans secours aucun. Mes pieds pressaient un palonnier hors d'usage et mes mains un manche qui ne commandait plus que les ailerons. Autour de moi, les obus éclataient en nuages noirs et je ne comprends pas comment je n'ai pas été touché à nouveau. Je larguais mon cockpit, prêt à me parachuter, mais je me rendis compte qu'en ouvrant la manette des gaz lorsque mon SPITFIRE piquait et en la fermant lorsqu'il se cabrait, je pouvais voler. Je retournai vers les côtes anglaises aux ailerons. Trois fois, je crus bien devoir me parachuter en mer ; trois fois je réussis à reprendre le contrôle de mon appareil. Il piquait et cabrait tour à tour, m'entraînant dans un grand toboggan. Il m'a semblé que des heures se passaient avant que je n'atteigne la côte anglaise à la hauteur de Canterbury. Je me rendais compte que je ne pouvais poser l'appareil dans ces conditions et je cherchais avec inquiétude un endroit où sauter en parachute sans que mon SPITFIRE causât de dégâts en s'écrasant.
J'aurais pu le trouver,
mais mon SPIT ne me le permit pas. Il se mit à grimper, puis, lorsqu'il eut
atteint près de 3.000 pieds, piqua à nouveau. J'essayais mon petit tour de la
manette des gaz, mais cette fois-ci, il ne voulut pas sortir le nez de son
piqué, et, lorsque je décidai de me parachuter, il était grand temps. Pendant
quelques instant, l'énorme courant d'air me maintint dans la carlingue. Il
était très difficile de sauter, mais enfin, je fus comme arraché de mon
appareil par le vent, et, alors que je commençais à tomber, ma tête heurta
l'empennage. J'avais plongé à une telle vitesse que je comptai jusqu'à six
avant de déclencher mon parachute. Si je l'avais fait sans attendre, je me
serais peut-être brisé le cou ou quelque autre chose... J'étais environ à
500 pieds lorsque mon parachute s'ouvrit. Après avoir flotté quelques
secondes, je passai à travers des branches et quelques fils téléphoniques,
avant de toucher le sol. Mon parachute était resté pendu dans les fils, mais
je n'y songeai pas tellement, parce que, juste au moment où je touchai terre,
je vis une flamme étincelante et de la fumée noire à environ 100 mètres de
l'endroit où je m'étais posé sain et sauf. Fort heureusement, l'incendie du
SPIT ne dura qu'environ cinq minutes, puis s'évanouit. Je vous assure que peu
de chose à brûlé derrière le cockpit.
Ce fut une heureuse histoire et, après
que j'eus pris le thé avec des officiers de l'armée de terre, ils me
reconduisirent à ma base. Ils furent vraiment gentils."